La bûche de Noël réunissait autrefois tous les   habitants de la maison, tous les hôtes du logis, parents et domestiques, autour   du foyer familial.
                    
                  La bénédiction de la bûche avec les cérémonies   traditionnelles dont elle se parait n'était que la bénédiction du feu, au moment   où les rigueurs de la saison le rendent plus utile que jamais : cet usage   existait surtout dans les pays du Nord. C'était la fête du feu, le Licht des anciens Germains, le Yule Log, le feu d'Yule des forêts druidiques,   auquel les premiers chrétiens ont substitué cette fête de sainte Luce dont le nom, inscrit le 13 décembre au calendrier et venant du latin lux,   lucis, rappelle encore la lumière.
                  
                  Il est tout naturel qu'on mette en honneur, au   25 décembre, au cœur de l'hiver, le morceau de bois sec et résineux qui promet   de chauds rayonnements aux membres raidis sous la bise. Mais, souvent, cette   coutume était un impôt en nature, payé au seigneur par son vassal. A la Noël, on   apportait du bois ; à Pâques, des œufs ou des agneaux ; à l'Assomption, du blé ;   à la Toussaint, du vin ou de l'huile.
                  
                  Il arrivait aussi, quelquefois, que les pauvres gens   ne pouvant se procurer des bûches convenables pour la veillée de Noël, se les   faisaient donner. « Beaucoup de religieux 
                  
                  
                    
                      
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                                  | Tradition de la grande bûche de Noël. Dessin   de Léon Lhermitte paru dans
 Le Monde illustré du 1er janvier   1884
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                  et de paysans, dit   Léopold Bellisle, recevaient pour leurs feux des fêtes de Noël un arbre ou une   grosse bûche nommée 
tréfouet ». Le 
tréfeu, le 
tréfouet que l'on retrouve sous le même nom en Normandie, en Lorraine, en   Bourgogne, en Berry, etc., c'est, nous apprend le commentaire du Dictionnaire de   Jean de Garlande, la grosse bûche qui devait, suivant la tradition, durer   pendant les trois jours de fêtes. De là, du reste, son nom : 
tréfeu, en   latin 
tres foci, trois feux.
                  
                  Partout, même dans les plus humbles chaumières, on   veillait autour de larges foyers où flambait la souche de hêtre ou de chêne,   avec ses bosses et ses creux, avec ses lierres et ses mousses. La porte restait   grande ouverte aux pauvres gens qui venaient demander un gîte pour la nuit. On   leur versait en abondance le vin, la bière ou le cidre, suivant les contrées, et   une place leur était accordée à la table de famille. On attendait ainsi la Messe   de minuit. 
                  
                  Qu'on se représente les immenses cheminées   d'autrefois : sous leur manteau pouvait s'abriter une famille tout entière,   parents, enfants, serviteurs, sans compter les chiens fidèles et les chats   frileux. Une bonne vieille grand'mère contait des histoires qu'elle interrompait   seulement pour frapper la bûche avec sa pelle à feu et en faire jaillir le plus   possible d'étincelles, en disant : « Bonne année, bonnes   récoltes, autant de gerbes et de gerbillons ». 
                  
                  La bûche de Noël était un usage très répandu dans   presque toutes les provinces de notre vieille France. Voici, d'après Cornandet,   le cérémonial que l'on suivait dans la plupart des familles : dès que la   dernière heure du jour s'était fondue dans l'ombre de la nuit, tous les   chrétiens avaient grand soin d'éteindre leurs foyers, puis allaient en foule   allumer des brandons à la lampe qui brûlait dans l'église, en l'honneur de   Jésus. Un prêtre bénissait les brandons que l'on allait promener dans les   champs. Ces brandons portaient le seul feu qui régnait dans le village. C'était   le feu bénit et régénéré qui devait jeter de jeunes étincelles sur l'âtre   ranimé. 
                  
                  Cependant, le père de famille, accompagné de ses   enfants et de ses serviteurs, allait à l'endroit du logis où, l'année   précédente, ils avaient mis en réserve les restes de la bûche. Ils apportaient   solennellement ces tisons ; l'aïeul les déposait dans le foyer et tout le monde   se mettant à genoux, récitait le 
Pater, tandis que deux forts valets de   ferme ou deux garçons apportaient la bûche nouvelle. Cette bûche était toujours   la plus grosse qu'on pût trouver ; c'était la plus grosse partie du tronc de   l'arbre, ou même la souche, on appelait cela la 
Coque de Noël (le gâteau   allongé en forme de bûche que l'on donnait aux enfants le jour de Noël portait   encore au début du XXe siècle dans certaines provinces le nom de 
coquille ou 
petite bûche, en patois, le 
cogneu).
                  
                  
                  On mettait le feu à cette 
Coque et les petits   enfants allaient prier dans un coin de la chambre, la face tournée contre le   mur, afin, leur disait-on, que la souche leur fît des présents ; et tandis   qu'ils priaient l'Enfant-Jésus de leur accorder la sagesse, on mettait au bout   de la bûche des fruits confits, des noix et des bonbons. A onze heures, tous les   jeux, tous les plaisirs cessaient. Dès les premiers tintements de la cloche, on   se mettait en devoir d'aller à la messe, on s'y rendait en longues files avec   des torches à la main. Avant et après la messe, tous les assistants chantaient   des Noëls, et on revenait au logis se chauffer à la bûche et faire le réveillon   dans un joyeux repas. 
                  
                  Dans la Semaine religieuse du   diocèse de Langres du 23 décembre 1905, un vieil auteur, Marchetti,   expose le sens religieux de ces pratiques : « La bûche de Noël,   dit-il, représente Jésus-Christ qui s'est comparé lui-même au bois vert. Dès   lors, continue notre auteur, l'iniquité étant appelée, dans le quatrième Livre   des 
Proverbes le vin et la boisson des impies, il semble que le vin   répandu par le chef de famille sur cette bûche signifiait la multitude de nos   iniquités que le Père Eternel a répandues sur son Fils dans le mystère de   l'Incarnation, pour être consumées avec lui dans la charité, dont il a brûlé   durant le cours de sa vie mortelle ».